Pour en finir avec les RH de demain…

MP Fleury F. Mischler

“Pour en finir avec les RH de demain…” est le titre d’un essai rédigé par Marie-Pierre Fleury et Frédéric Mischler dans lequel ils invitent les RH à repenser leur finalité et leurs actions, à s’adapter en pivotant. ”Un pivot suffit à regarder le présent autrement”.

 

Des auteurs qui, dès les premières lignes, annoncent qu’ils ne parleront pas symétrie des attentions, expérience collaborateurs, marque employeur ou de digital learning ne peuvent que susciter ma curiosité, autant de sujets souvent abordés dans ce blog !

L’essai de Marie-Pierre et Frédéric, c’est le moins que l’on puisse dire, ne laissera pas indifférents les RH. Le constat est sévère (mais acceptable venant de praticiens) : les équipes RH se sont immobilisées dans une contribution relevant davantage d’une gestion des risques humains pour les actionnaires, au fur et à mesure que le cadre des obligations du droit du travail et de la conformité se sont renforcées. Et dans l’illusion d’une évolution future “demain…” Dans le même temps, la fonction RH est d’ailleurs jugée sévèrement par les collaborateurs, plus focalisée sur les process et les outils que sur l’humain.

Pour repenser sa finalité et sa valeur, la fonction RH doit saisir l’opportunité du nouvel “intérêt” de la gouvernance pour le capital humain, les opportunités des grandes transformations du travail et des Hommes. 

La thèse des auteurs est que les RH doivent “pivoter”, à l’instar des start-up qui, sans état d’âme, transforment leur modèle économique et leur offre quand elles ne rencontrent pas leur marché. Il s’agit de réfléchir sur leur raison d’être et leur valeur ajoutée dans l’entreprise d’aujourd’hui en profonde transformation, de rallier actionnaires et dirigeants à l’enjeu de l’humain dans le business, et de responsabiliser ces derniers comme les collaborateurs et les managers aux réussites collectives et individuelles. 

Marie-Pierre, Frédéric, vous présentez la fonction RH comme focalisée sur une approche gestionnaire, ne répondant ni aux attentes individuelles des collaborateurs, ni à celles collectives de l’entreprise. N’est-ce pas un constat trop sévère ?

C’est un constat étayé que nous déroulons et en aucun cas un jugement de valeur. Par ailleurs, de nombreuses études et enquêtes en témoignent. La fonction RH ne bouge sur les sujets stratégiques que lorsque le droit du travail s’en mêle, et c’est très souvent dans une approche instrumentale qu’elle met en oeuvre les obligations. Il suffit de citer la GPEC ou le télétravail pour s’en convaincre… Et les dirigeants comme les collaborateurs et les manageurs remettent régulièrement en cause les contributions de la fonction RH aux enjeux de l’entreprise comme aux enjeux individuels de développement. 

Parlons du digital : On pourrait penser que les RH ont pris ce virage en faisant évoluer leurs principaux process : IA dans la GPEC, e-learning, parcours d’intégration totalement digitalisé, réseaux sociaux, chatbots de recrutement,… Pourtant vous dites que les RH se sont trompées de combat, focalisées sur les outils, elles ont oublié de s’interroger sur les conséquences du digital sur le travail ?

Dans cet essai, nous parlons plus largement des dispositifs que la fonction RH met en place de façon souvent technique, mécanique, silotée et standard en oubliant l’essentiel : contribuent-ils à la réalisation des objectifs de l’entreprise à court et moyen terme ? développent-ils les sources humaines de performances ? facilitent-ils le travail des uns et des autres, améliorent-ils les relations, les compétences, les motivations… et l’ensemble ? Elle manque de vision stratégique et systémique. Ce n’est pas entièrement de sa faute. Les formations mais aussi les rôles attribués par convention dans les organisations conduisent à cet état de fait. Concernant le digital, dans cette même logique, nous faisons effectivement le constat que rien ne préparait la fonction RH à appréhender le niveau et la multiplicité des enjeux que le numérique pose. La crise actuelle tend à accélérer certains mouvements déjà engagés, et en fera naître d’autres, une force centrifuge de plus sur la fonction RH comme nous le mentionnons dans notre ouvrage.    

J’ai évoqué en introduction l’image du pivot de la start up que vous reprenez comme indispensable pour les RH si elles ne veulent relever les défis qui impactent le monde du travail et l’entreprise. Concrètement, comment peuvent-elles faire ce pivot ?

En premier lieu, nous recommandons aux professionnels RH de se détacher des hypothèses reposant sur un élargissement des actions et des compétences des professionnels RH et sur leur capacité naturelle à les cumuler “demain…”. En second lieu, de réfléchir à leur finalité au sein de l’entreprise qui n’est pas de “s’occuper des salariés….” Et enfin, de se saisir maintenant des nouveaux besoins de toutes les parties prenantes.

Nous avons essayé de développer un raisonnement du début à la fin de l’essai qui doit permettre aux professionnels RH, mais aussi à d’autres qui souhaitent aller vers ces métiers, de faire ce pivot. Nous partons ainsi de la question de la raison d’être de la fonction RH, une raison d’être plutôt simple et conventionnelle. Nous identifions les opportunités de son environnement. Ce qui nous conduit aux besoins RH de la gouvernance et des dirigeants pour définir et réussir leur stratégie. Le repositionnement de la fonction RH aux bénéfices de toutes les parties prenantes ne se fera pas sans ces derniers. La fonction RH a tout son rôle à jouer pour faire évoluer la culture RH des gouvernances, et apporter sur un plateau à la fois des faits (People Intelligence), une vision et des propositions d’actions. Nous le détaillons dans l’essai. 

Un essai sur les RH qui s’adresse aussi aux actionnaires, c’est assez rare pour le mentionner. Vous dites même que dirigeants et actionnaires doivent être les premiers clients de la fonction RH. Dans le même temps, le reporting RH, la data RH répondent essentiellement aux attentes réglementaires et de conformité, et sont très rarement au service de la stratégie de l’entreprise. Comment dans ce cas démontrer la création de valeur de la fonction RH ?

Pour convaincre la direction générale, qui eux-mêmes devront convaincre les actionnaires (plus facile quand le dirigeant est l’actionnaire.. ), les professionnels RH ont trois alliés : l’incertitude, la complexité et les changements profonds de paradigmes dans tous les domaines économiques, sociaux, sociétaux. Et la crise actuelle renforce ces enjeux. Les buzzwords ou la médiatisation intensive d’une “réhumanisation“ des organisations, la force des habitudes au regard de la situation globale de l’emploi ou des pratiques managériales conduisent les directions à banaliser ou à négliger le facteur humain dans leur management stratégique.

C’est pourquoi, il est nécessaire de matérialiser ces enjeux et leurs impacts sur la stratégie et l’organisation, les rendre tangibles auprès de la direction en tenant compte du contexte interne et concurrentiel de chaque entreprise, et surtout de proposer des voies et des solutions. Pour cela, il est nécessaire sortir des analyses psycho-socio-managério-juridico-administratives obscures pour un comité de direction ou un board, et proposer un cadre d’actions comme le Projet Humain de l’entreprise, partager des informations concrètes, argumentées, comparées, chiffrées sur le facteur humain, l’intelligence de l’humain.

La fonction RH a un rôle à jouer dans l’adhésion des dirigeants à cette vision, dans la transformation de leur culture et de leurs fonctionnements.

Vous insistez sur l’importance d’intégrer le plus en amont possible les leviers, d’évaluer les freins, d’identifier les opportunités liés au facteur humain, les attentes, les comportements et les besoins des collaborateurs pour nourrir et accompagner la stratégie de l’entreprise. C’est ce que nous nommez le “People Success & Intelligence”. Concrètement, comment utiliser cette nouvelle “boîte à outils” ?

Le People Success & Intelligence n’est pas réellement une boîte à outils. La stack présentée dans l’essai est davantage une architecture du domaine. Le PSI est à la fois un projet et une culture d’entreprise, un contrat social, un domaine d’action dans les organisations (comme le market ou la supplychain), une pratique managériale renouvelée de la performance humaine et de la relation collaborateur, et on pourrait ajouter une philosophie ;-). Avec une caractéristique forte : tous les acteurs de l’entreprise en sont les contributeurs et les bénéficiaires. 

People Success and Intelligence
Stack People Success & Intelligence

Un dernier mot pour conclure ?

Tout d’abord un grand merci pour nos échanges et pour nous avoir ouvert ton blog pour présenter cet essai et nos propositions pour une évolution de la fonction RH, possible aujourd’hui sans attendre un futur illusoire. “Pour être utile demain, c’est maintenant qu’il faut s’adapter.” Avec beaucoup d’humilité et aussi d’envie et de conviction, en tant que praticiens du domaine RH, nous souhaitons avant tout que cet essai ouvre des pistes de réflexions et d’actions concrètes pour les gouvernances, les DRH/RRH et leurs équipes, mais aussi les managers et les collaborateurs, dans le contexte propre à chaque entreprise. Et qu’il soit l’occasion d’échanges, de débats et d’approfondissement des propositions formulées. Le contexte actuel de pandémie appelle et appellera les entreprises à relever des nouveaux défis et à trouver de nouveaux modes de fonctionnement et de coopération. Nos propositions nous semblent de nature à s’inscrire dans cette dynamique. 

POUR TELECHARGER L’ESSAI

Diplômée de l’EMLYON, Marie-Pierre Fleury alterne la fonction de DRH aux responsabilités élargies dans l’industrie et les services, au sein de grands groupes, PME, d’une business school et d’une startup et le Conseil en Organisation & RH auprès de dirigeants qu’elle a rejoints à deux reprises en tant que DRH salariée. Elle anime le blog Carrières & RH depuis 2010.

Frédéric Mischler est l’auteur du Blog « Innovations et RH » et le fondateur en 2013 d’Humaineo, une agence accompagnant les entreprises dans leurs enjeux d’innovations et de transformations RH. Titulaire d’un DESS RH, il a débuté sa carrière dans des groupes comme TRW ou STMicroelectronics, et y a exercé durant 13 ans des responsabilités RH à des niveaux locaux,  France ou Corporate.

 

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