Formation et transformation digitale

La formation est devenue un levier essentiel de la transformation digitale des entreprises en raison des compétences nouvelles attendues pour accompagner cette transformation des métiers, des interactions, des environnements et des méthodes de travail.


La formation doit être un rouage essentiel de la transformation digitale des organisations et un contributeur à la création de valeur. Cette transformation digitale impose une mission prioritaire aux Ressources Humaines : identifier et développer de nouvelles compétences chez les collaborateurs pour anticiper, accompagner, et tirer parti de ces changements. Pour les équipes en charge de la formation, ce chantier est passionnant et immense. Passionnant car il replace la formation au cœur des réflexions sur un nouveau modèle d’entreprise. Il est immense, parce qu’il touche toutes les dimensions de l’entreprise et impose une approche globale.

Sans être exhaustif, voici 4 évolutions de l’entreprise dont les impacts me semblent majeurs sur les compétences et la formation :

1/ Evolution de la relation client :

les usages des clients, leurs rapports avec l’entreprise, se transforment profondément. Les nouveaux canaux digitaux (médias sociaux, plates formes d’évaluation, comparateurs, agrégateurs…) ont révolutionné la recherche d’information en ligne et ont ainsi simplifié la mise en concurrence. Ils ont installé un nouveau réflexe qui vise porte sur la place publique des conflits et des insatisfactions individuels. Les clients ont compris que le rapport de force avait tourné à leur avantage. Ils ont entre les mains (et dans la poche), un formidable outil pour décider du canal de communication et imposer aux équipes commerciales leur exigence d’instantanéité. De nouveaux modèles économiques remplacent l’achat unique d’un produit par des formules d’abonnement à un service, ce qui modifie la nature de la prestation et installe une nouvelle forme de relation client.

2/ Evolution des méthodes de travail :

au départ issus de l’informatique et du monde des développeurs, le mode projet, l’approche Agile, le design thinking, les pizza team, le Minimum Viable Product… infusent lentement tous les départements de l’entreprise. Ces approches mettent les salariés face à de nouvelles forme de collaboration, d’interaction et d’organisation. La nécessité de raccourcir les délais de décision et de réalisation, d’intégrer plus régulièrement les feed back utilisateurs, d’associer des profils aux compétences différentes, de répondre aux initiatives de la concurrence ou du marché viennent bousculer les hiérarchies traditionnelles et les organisations classiques par Business Units, départements, filières…

3/ Evolution de l’environnement de travail :

télé-travail, tiers lieux, espaces de co-working, flex office… l’environnement de travail redevient un champ d’étude en raison de la double promesse d’efficacité et de bien-être des collaborateurs. L’urbanisation des espaces de travail a été remis au gout du jour par les GAFA, les start up, qui y ont vu un moyen de donner une réalité visuelle (et virale) à leur (contre)-culture, à de nouvelles valeurs, pour se démarquer des grands groupes et alimenter leur attractivité auprès des jeunes diplômés. J’ai déjà évoqué cette nouvelle facette du marketing dans ce billet. Ces nouveaux environnements induisent alors de nouveaux modes d’interactions dans l’entreprise.

4/ Evolution des acteurs :

la dichotomie entre collaborateurs de l’entreprise et prestataires externes devient moins pertinente avec l’arrivée de nouveaux acteurs qui participent à la création de richesse tout en ayant un lien nouveau avec l’entreprise. Il en est ainsi des start up incubées, de partenariats sous forme de hackathon avec des écoles, ou encore de projets en co-construction avec des fournisseurs (comme pour les équipementiers auto), d’association entre concurrents pour définir de nouveaux standards (à l’exemple des grandes banques avec le bitcoin). Notons également que l’identification de ses propres concurrents devient plus difficile : les frontières sectorielles, géographiques ou réglementaires, ne constituent plus une protection efficace, la dématérialisation bouscule le principe des brevets, Uber se déploie dans le monde entier, AirBnB « invente » de nouveaux acteurs économiques, Orange et Carrefour se lancent dans la banque, l’open data et les API se généralisent…

Ces évolutions entrainent une profonde remise à plat des compétences nécessaires, qu’il s’agissent de les développer, mais aussi de les identifier et de recruter à l’extérieur. Il y a encore peu, la création d’une direction du digital ou le recrutement d’un CDO masquait la nécessité de déployer ces compétences nouvelles pour l’ensemble des collaborateurs et des métiers de l’entreprise. Ici encore, impossible d’établir une liste exhaustive de ces compétences nouvelles, mais quelques grandes tendances permettent de nourrir la réflexion :

Les compétences digitales

Quelque soit le métier exercé, difficile aujourd’hui de ne pas se sentir concerné par la nécessité de disposer à minima d’une connaissance des fondamentaux, un socle commun de culture digitale. Certes, le marketing, l’IT ou encore le commercial sont directement exposés, mais le juridique, la finance peuvent-ils ignorer les médias sociaux, le cloud, le big data, la robotisation et l’impact qu’ils auront demain sur leur missions quotidiennes ? Demain, une entreprise industrielle pourra solliciter son département Achats pour acquérir des drones destinés à surveiller ses installations, former ceux qui les piloteront et interroger le service juridique pour prévenir les risques nouveaux. Les départements formation doivent disposer dans leur catalogue de module sur les fondamentaux du digital, ouverts gratuitement à tous les collaborateurs, ainsi de que des modules d’approfondissements pour les métiers prioritaires qui auront été identifiés.

Les soft skills

Ces compétences font l’objet d’un réel paradoxe. Elles ne cessent d’être valorisées dans les manuels et les séminaires de management, sont décrites comme le levier indispensable de la transformation des entreprises (avec la co-construction, l’innovation, l’adaptabilité, la capacité d’apprentissage). Elles sont l’objet de toutes les attentions pour qui travaille sur la culture d’entreprise (le relationnel, le collectif, l’empathie, la responsabilité). Or les entreprises ont le plus grand mal à les identifier, à les développer, à les évaluer et à en tirer parti : la difficulté tenant au fait qu’elles sont encore peu identifiées et valorisées : elles ne sont pas « notées » à l’école ni sanctionnées par un diplôme, elles sont difficiles à objectiver sur un CV. Ces formations, qui sont dispensées essentiellement aux managers stratégiques ou proposées souvent pour compenser une absence d’augmentation de salaire, doivent être plus largement proposées dans l’entreprise, éventuellement dans une approche distancielle pour répondre aux contraintes budgétaires.

Les compétences managériales

La transformation des missions, du rôle et de la posture des managers devient une priorité face à des organisations traditionnelles d’entreprise que l’on questionne (entreprise « plate-forme », hiérachie agile, holocratie, entreprise libérée…) , avec des collaborateurs aux exigences nouvelles (employabilité, recherche de sens, rapport à l’autorité et à la valeur travail…) et pour lesquels il faut maintenir l’engagement. Notons que ces compétences managériales ne sont plus exclusivement exigées des managers en raison des modes projets, des équipes pluri-disciplinaires ou des pizza team. Enfin, elles recouvrent des réalités bien différentes selon qu’il s’agit des managers de proximité et des managers stratégiques. Ici, l’enjeu est sans doute de revoir le contenu de ces formations pour assurer un bon alignement avec le projet d’entreprise autour de la culture et du modèle de leadership, et aussi de travailler avec la Direction de la communication pour aligner contenus pédagogiques et messages de communication interne sur ce sujet.

Ces constats ouvrent des champs de réflexion passionnants pour la formation et sa contribution à la transformation digitale des entreprises :
– revoir les modalités d’apprentissage avec la complémentarité de la formation présentielle et ponctuelle par du distanciel au fil de l’eau et selon les besoins (contextualisé et en micro-learning pour être immédiatement applicable), les nouveaux usages (vidéo, on-demand, gamification, mobile learning…) mais aussi les nouvelles attentes du collaborateur, comme la certification pour nourrir l’employabilité.
– concentrer davantage d’efforts (et de ressources) sur le développement des capacités d’apprentissage des collaborateurs et moins sur les contenus. C’est indispensable pour ne pas créer d’inégalité envers les collaborateurs qui ne disposent pas de ces capacités. Ensuite, ces contenus peuvent être rapidement obsolètes et on peut en trouver certains gratuitement sur internet.
– travailler encore plus étroitement avec les équipes métiers pour anticiper les changements de business model et identifier les compétences émergeantes à développer.
– initier une vraie réflexion et allouer les moyens nécessaires pour faire évoluer les portails de formation qui sont positionnés comme des outils de gestion de la formation, orientés sur l’utilisateur responsable de formation au détriment d’une approche marketing de l’offre de formation à destination du collaborateur.
– revoir les compétences attendues dans les équipes de formation : les compétences en ingénierie pédagogique ne sont plus suffisantes. Il faut développer une posture de « curiosité digitale », se former massivement au digital learning, faire de la veille et du benchmark en dehors des prestataires traditionnels…

La formation doit accepter de remettre en cause son organisation et ses missions, d’élargir ses compétences, de revoir sa façon de travailler avec ses clients internes mais aussi d’aller chercher de nouveaux partenaires externes, d’imaginer ses nouveaux indicateurs de performance. Il s’agit en fait de s’interroger sur la contribution de la formation à la transformation digitale de son organisation et à la création de valeur de demain.

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