Le stagiaire, fossoyeur de votre marque employeur ?

Alors que la distribution de l’offre RH se concentre encore surtout sur les talents et autres hauts potentiels, il serait prudent de ne pas laisser en friche les attentes de ces « collaborateurs provisoires » que sont les stagiaires. Quand les nombreuses réflexions (et fantasmes) portent sur les salariés ambassadeurs de la Marque Employeur, il convient de se demander si les stagiaires ne risquent pas de devenir de leur côté les fossoyeurs de votre Marque Employeur.

Pourquoi les stagiaires sont les parents pauvres de l’offre RH ?
En ces périodes d’économies et de rationalisation,  les stagiaires ne sont que rarement bénéficiaires de toute l’attention des RH : ils ne participent pas aux programmes d’intégration, suivent peu ou pas de formation formelle, ne sont pas concernés par les entretiens annuels d’évaluation, les politiques de mobilité ou d’évolution de carrière. Ils ne pourront donc pas juger l’ensemble des actions RH que l’entreprise propose à ses collaborateurs pour renforcer leur engagement et/ou leur employabilité. Ajoutons à cela un rôle des RH essentiellement administratif : c’est en effet le manager qui va être surtout présent ; de lui dépendra en grande part l’expérience du stagiaire. Difficile dans ces conditions de considérer que la « qualité du traitement » sera équivalente et homogène pour l’ensemble des stagiaires.

Pourquoi les stagiaires peuvent nuire à votre Marque Employeur ?
Pour les stagiaires de fin d’études, ils ont été affranchis dès le début, tous ne pourront obtenir le sésame du CDI, même si pour certaines entreprises, le stage constitue une source privilégiée de sourcing. Pour les stages en cours d’études, la question ne se pose pas : l’expérience avec l’entreprise est une parenthèse entre deux années du cursus. Dans ce contexte, et compte tenu des points évoqués plus haut, il sera difficile de développer un attachement fort à l’entreprise sur ce court délai. En conséquence, les freins psychologiques (ou réglementaires) que peuvent rencontrer les collaborateurs pour se « répandre » sur leur employeur sur les réseaux sociaux ne concernent pas les stagiaires. D’autant que le comportement « consumériste » des candidats vis-à-vis de l’emploi est encore plus marqué chez les stagiaires.

Et bien évidemment, ces stagiaires sont très souvent des utilisateurs assidus des réseaux sociaux, des partageurs frénétiques de leurs actions et états d’âme. Ils n’hésiteront donc pas à échanger avec leurs pairs si l’expérience a été douloureuse, parfois même en direct, au jour le jour. Un manager tyrannique, des collaborateurs méprisants, des règles trop rigides sur les horaires, un équipement informatique anté-diluvien ou encore des projets inutiles dont personne ne veut, autant d’exemples croustillants dont se régaleront les fans et amis de votre stagiaire.

L’accès à l’emploi est vécu trop souvent comme un parcours d’obstacles, dans lequel l’entreprise est maître du jeu. Le seul espace de liberté, d’expression et donc de vengeance du jeune stagiaire se trouve dans cet agora 2.0. L’utilité d’une veille, s’il était encore besoin de vous convaincre, s’impose naturellement. Notons aussi que ces stagiaires seront peut-être demain de futurs candidats, voire des clients potentiels de votre entreprise. Mais à l’inverse, les stagiaires satisfaits de leur expérience seront autant de relais positifs de la réputation de l’entreprise au sein de leur école, de leur réseau d’anciens, etc.

Un timide début de prise de conscience ?
En 2012, deux initiatives liées à la Marque Employeur et aux stagiaires ont vu le jour : la première, Happy Trainees, lancée par le site Meilleures-entreprises.fr, en partenariat avec le Ciffop, évaluait les entreprises à partir de 18 questions réparties sur 6 critères : la progression, le management, l’environnement de travail, la fierté, la motivation et le plaisir. La seconde, à l’initiative du site Jobteaser, interrogeait près de 4000 stagiaires pour juger l’entreprise, la mission, les ressources humaines. Dans les deux cas, le principe adopté est que le panel n’est constitué que d’entreprises volontaires, qui ont la possibilité de ne pas rendre publics les résultats, utilisant ces études comme un baromètre interne. Notons aussi que d’autres initiatives plus anciennes, telle stagecritics ou Note ton Stage adoptent une approche différente, qui s’apparente davantage à un Tripadvisor des entreprises. Démarche pilotée par les entreprises, ou à l’inverse déversoir de bile individuelle, je ne suis pas certain que ces initiatives présentent une véritable aide à la décision pour les étudiants.

Ce qu’il faudrait faire
De même que certaines entreprises évaluent la valeur de leur client, non plus uniquement à son panier moyen ou sa fréquence d’achat, mais aussi à son pouvoir de recommandation ou de nuisance (qui n’a pas expérimenté le pouvoir magique et quasi instantané d’un tweet quand un mail de réclamation était resté lettre morte ?), les entreprises ne pourront ignorer le pouvoir d’influence, positive ou négative de tous leurs collaborateurs, y compris les stagiaires. Ce n’est qu’une des conséquence de cette évolution de la marque vers la réputation. Avec cette terrible équation, et au-delà de sa dimension morale indiscutable,  l’allocation de l’offre RH ne peut plus se concentrer sur une minorité de collaborateurs élus. Elle doit d’ailleurs apprendre à se segmenter pour répondre aux attentes diverses de ses différentes populations. De plus, les managers doivent être sensibilisés aux conséquences de leurs actes de management, y compris vis-à-vis d’un stagiaire. Enfin, un entretien de fin de stage ou un questionnaire, pourra être proposé au stagiaire par les RH. Cela contribuera certainement à modifier positivement le regard porté sur les entreprises et sur le stage, et éviter que les stagiaires ne deviennent des fossoyeurs de votre Marque Employeur.

Pour compléter ce billet : une réflexion sur les collaborateurs, ambassadeurs de la Marque Employeur.

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