Transition numérique : faut-il un nouveau manager ?

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Transition numérique : faut-il un nouveau manager ? Cette question est effectivement légitime puisque la transition numérique est bien un des principaux sujets de préoccupation des entreprises. Cette transformation des modes d’organisation, des rapports humains en interne, des relations commerciales, imposent nécessairement de revoir le modèle managérial. Une conviction que Cécile Dejoux, connue pour son MOOC « du manager au leader » et moi-même partageons ici.

Transition numérique et nouveau manager ?

Bonjour Cécile, ton ouvrage « Management et leadership » s’ouvre sur un chapitre intitulé « Manager au siècle du digital, un métier ou un talent ». La digitalisation des entreprises remet en cause les fondements du management mais est-ce l’émergence d’un nouveau modèle de manager, avec des compétences nouvelles ou bien un simple phénomène d’adaptation permanente, comme les managers en ont déjà connu dans le passé ?
La digitalisation des entreprises valorise le management car elle le transforme dans ses caractéristiques de mise en œuvre. Il ne s’agit pas de dire qu’il n’y aura plus de managers, au contraire, les compétences managériales intégrant la culture digitale s’imposeront dans le socle des compétences transversales professionnelles. Quelque soit son métier, les occasions de gérer les collaborateurs sont toujours plus nombreuses et on n’y est pas nécessairement préparé. En d’autres termes, chacun de nous doit apprendre, le plus tôt possible (pourquoi pas dès le primaire ?) à manager c’est-à-dire décider, motiver, développer les (et ses) talents et intégrer la culture digitale dans son quotidien.

Manager au siècle du digital est un métier car cela nécessite d’intégrer des pratiques, de les mettre en œuvre, de passer des étapes d’apprentissage, d’être coaché ou de copier des managers modèles. Le métier, c’est le « faire », faire des essais-erreurs, intégrer des codes et appartenir à un groupe de référence. Un métier, ça s’apprend. En effet, traditionnellement, nous avons été formé à analyser et déployer des modèles qui permettent d’apporter des réponses à une situation connue. On pourrait nommer ce type d’apprentissage « Learn and Do ». Avec le numérique, l’apprentissage se fait différemment, on cherche seul et grâce à une communauté, on se trompe mais c’est positif, on trouve et on partage, c’est de cette façon que l’on acquiert reconnaissance et influence. C’est l’apprentissage sur le mode « Test and Learn ». On comprend bien qu’il ne faut pas s’arrêter à l’aspect « outil » du numérique. Il faut prendre conscience que le numérique change le rapport au travail.

Manager au siècle du digital est également un talent à acquérir ou à développer. Un talent « c’est une combinaison rare de compétences rares ». Cela signifie que le numérique permet à chacun de bâtir « sa différence » et de la valoriser en déployant une « personal branding ». Se penser différemment de ses collègues, en analysant dans son job « ce que l’on fait de mieux » et pourquoi, quels en sont les ingrédients ? Réfléchir à ses talents et les valoriser dans un blog par exemple, voilà un exemple de la valeur ajoutée du numérique pour l’individu qui se manage. Ce talent peut également être pensé à un niveau collectif mais la démarche sera identique.

Transition numérique et nouvelles compétences

Les entreprises prennent conscience de l’impact du digital sur leurs relations client, leur organisation interne, leur business model, l’accès à l’information de leurs collaborateurs ou encore la reconnaissance et l’engagement… Pour accompagner cette transformation, elles doivent s’appuyer sur leurs équipes managériales. Quelles sont les compétences nouvelles, les formes de culture digitale dont doit disposer ce manager digital ?
Dans la 2eme session du MOOC « du manager au leader 2.0 », nous avons rajouté une séquence autour du thème « En quoi le numérique transforme le métier de manager ? » et nous avons essayé de répondre à la question que tu poses : « Quelles sont les compétences digitales du manager ? ».
Aussi, nous avons interviewé et filmé dans ce MOOC des dirigeants-managers qui ont des conviction sur ce sujet : Alain Crozier, Président Microsoft France ; Philippe Guillemot, DG d’Alcatel Lucent, Caroline Jessen, DRH de Cisco ; Laurent Reich, Directeur du Learning chez L’Oréal, Karine Boullier, DRH marque employeur de Sanofi et DG de l’Observatoire des réseaux sociaux ; Gérald Candelle, Directeur du recrutement de l’Alliance Française.
Nous proposons dans le MOOC une grille d’analyse de la culture digitale managériale autour de six transformations majeures : le rapport à l’information, le rapport à la communication, le rapport au travail, le rapport au temps, le rapport à l’apprentissage et le rapport à soi. Le numérique permet d’envisager de nouvelles postures par rapport à ces 6 champs.
Notre tentative de définition de la culture digitale managériale à partir de ces 6 ruptures est la suivante :
1/ Capacité de veille, de curation, de circulation de l’information,
2/ Capacité à créer des liens, à faire-savoir, à se différencier, à influencer dans un groupe international à distance,
3/ Capacité à repenser ce qu’est le travail (innover, accepter l’échec, gérer l’émergent, donner du feedback) et la performance (moins de contrôle, plus de créativité),
4/ Capacité à gérer la déconnexion, les interruptions, la sur-sollicitation, la fontrière privé/pro,
5/ Capacité à apprendre avec plaisir en continu, de façon proactive et nomade (MOOC, réseaux etc.),
6/ Capacité à se connaître (trouver une source de spiritualité) et à s’organiser.

Il ne s’agit plus de statut mais de différents rôles à jouer suivant le contexte. Le manager stratégique se retrouve dans des modèles fonctionnels ou au sein d’une gestion de projet. Le manager de proximité correspond au premier niveau de management, celui qui encadre une équipe terrain et l’anime. Sa mission, encore plus aujourd’hui avec le numérique, est d’intégrer au maximum le client au cœur de l’expérience d’usage.

Transition numérique et managers RH

Faisons un focus sur les équipes RH. Elles sont doublement impactées : pour redéfinir leurs propres pratiques sur les grands process RH, mais aussi pour accompagner la transformation de leur entreprise, de leurs métiers, de leur activité « historique ». Comment vois-tu évoluer le rôle des managers RH ? Te semblent-ils prêts, équipés, convaincus, et surtout mandatés pour cette accompagner ces bouleversements ?
La fonction RH est à un tournant de son histoire. Soit, elle se laisse distancer par les équipes informatiques et le marketing qui est largement en avance sur le numérique, soit elle s’empare du sujet et accepte de se transformer pour ensuite accompagner la transformation des métiers. Le second scénario est le seul envisageable mais la rupture est brutale, et nombreux sont les DRH qui ne savent pas COMMENT faire. Le premier réflexe est d’introduire des outils numériques (les réseaux collaboratifs, les serious games, le elearning etc…) mais c’est une erreur car on ne change pas une culture par des outils, on change une culture en insufflant de nouveaux comportements et en réfléchissant aux usages-produit. Ainsi, pour initier ce changement culturel et instaurer une prise de conscience collective, certaines entreprises, comme Daily Motion ont introduit de nouveaux modes de travail comme la méthode de projet SCRUM, d’autres, comme L’Oréal, envoient leurs dirigeants dans des entreprises digitales (Amazon, Google etc.) pour comprendre ce changement de cadre. De nombreuses tentatives seront explicitées dans le MOOC !

Cécile Dejoux est maitre de conférences en Gestion au Cnam, responsable opérationnel du Master RH, conférencière à l’ESCP Europe. Elle est la conceptrice du MOOC « du manager au leader », qu’elle anime depuis février 2014. Elle a également conçu le MOOC « du manager au leader 2.0« , en 2014 sur le site FUN.

Management et leadership, éditions Dunod

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