Recruteurs et managers : faut-il inverser les rôles ?

laurel et hardy

Managers et recruteurs ont, dans une grande majorité de cas, une répartition figée de leurs rôles respectifs dans le processus de recrutement. Ces usages seront demain remis en cause avec le développement des medias sociaux qui viennent bousculer acteurs, rôles et scénarii du recrutement. Peut-être une occasion de revoir la posture de demandeur du manager et de renforcer le pouvoir de décision du recruteur.

Le modèle classique : aujourd’hui encore, les recruteurs restent le principal point de contact entre l’entreprise et les candidats. En effet, ils sont à l’origine du message d’information sur le besoin de recrutement (l’offre d’emploi), ils effectuent les entretiens de recrutement, sont présents sur les forums écoles, les salons. Bien sûr, ils sont quelquefois accompagnés d’opérationnels, la « caution business », car tout le monde s’entend pour reconnaître qu’ils sont bien trop loin du business. La preuve, certains RH s’autoproclament « Business Partners » dans l’espoir d’y retrouver une certaine légitimité, alors qu’ils le sont depuis que le métier existe. Je pense qu’ils se trompent d’enjeu.
Face à eux, les managers sont trop souvent convaincus que les RH ne sont pas en mesure de comprendre leurs enjeux business (ne font-ils d’ailleurs pas partie de ces équipes de « fonction support », c’est-à-dire, des centres de coûts, des départements qu’ils faut supporter ??). Une idée pas totalement fausse compte tenu des évolutions de plus en plus rapide des règles des marchés, des attentes volatiles des clients, des obligations réglementaires, des normes nouvelles et des évolutions techniques…
Dans ce modèle, les managers connaissent précisément leur besoin (le profil, l’expérience, les compétences), ils passent commande aux recruteurs qui sont chargés de récolter un maximum de CV (preuve tangible de l’efficacité de leur démarche), et d’effectuer un premier tri. On voit bien cette logique répartition des rôles : les managers savent qui ils veulent, les recruteurs savent comment les trouver. Mais la perspective est dans le court terme exclusivement : il faut répondre au besoin de recrutement immédiat, pour un poste précis. On ne pense pas à l’après-poste.

L’émergence des médias sociaux : avec les medias sociaux, les candidats disposent de nouvelles sources d’informations qui sont autant de nouveaux points de contact avec l’entreprise. Parfaitement au fait de recettes marketing, ils accueillent avec fraicheur les traditionnels émetteurs officiels que l’entreprise leur impose, entendez ceux qui sont là pour leur vendre quelque chose en s’appuyant sur un discours convenu. Je vous invite ici à un exercice révélateur : comparez les valeurs communiquées par la plupart des entreprises, vous serez surpris par leur peu d’originalité. Les candidats sont aussi conscients que les réalités au sein d’une entreprise sont aussi diverses que les équipes et les managers qui les composent, quoi de plus naturel donc que s’adresser directement à son futur manager de proximité via les réseaux sociaux ? D’autant qu’il est facile de joindre ce dernier, qui est parfois très actif sur les médias sociaux pour ses besoins professionnels (veille sectorielle et technologique, surveillance des concurrents, suivi des clients et fournisseurs…). Et la chance est à son comble quand en plus, il est issu de la même école que le candidat.

Conséquence majeure pour les recruteurs : les recruteurs n’ont d’autre choix que d’investir les médias sociaux, car c’est être où sera le candidat. Certes, le grand soir du recrutement sur les médias sociaux n’a pas encore eu lieu, nous n’en sommes qu’aux prémices. Mais les entreprises, et leurs départements recrutement, doivent se mettre en ordre de bataille dès maintenant. Il est illusoire et dangereux de croire que le recrutement pourrait être la seule activité économique préservée par les médias sociaux ; et pensez à l’usage des medias sociaux que font les collégiens et lycéens d’aujourd’hui pour imaginer leur comportement quand ils seront demain candidats. Recruteurs, vous devrez être prêt au moment où se produira le point de bascule des usages de vos candidats.
Les recruteurs doivent comprendre que pour la première fois depuis des décennies, leur métier est en train de changer, que de nouvelles compétences seront demain indispensables pour continuer à exercer ce métier. Il est indispensable de revoir le modèle traditionnel, basé sur la chasse au candidat déclenchée uniquement quand un besoin à court terme de recrutement est identifié. Les recruteurs doivent prendre l’initiative, via les médias sociaux, de développer des viviers de candidats potentiels, en dehors des seules exigences de recrutement. De plus, il leur reviendra de soutenir, former, outiller les managers de plus en plus sollicités en direct par les candidats.

Allons plus loin, inversons les rôles : je l’ai dit, les managers sont de plus en plus présents sur les médias sociaux pour leur activité (veille du marché, suivi des concurrents, identification de nouveaux acteurs, innovations…) et pour lutter contre l’obsolescence de leurs connaissances dans un environnement très changeant :  réglementation renforcée, technologique envahissante, forte technicité des métiers,… Ils sont donc naturellement membres de communautés de pairs, dans lesquelles ils sont à même d’identifier de futurs candidats potentiels et de prendre le temps d’évaluer leur savoir-faire. Qui mieux que les managers sont en mesure de repérer ces bons profils et en même temps de répondre aux attentes d’information sans intermédiaire de ces candidats ?
De leur côté, les recruteurs doivent être les garants du savoir-être : ces candidats, au-delà de leurs aptitudes pour le poste, seront-ils à l’aide avec la culture de l’entreprise, le modèle managérial. Pourront-ils évoluer vers d’autres missions, se voir confier de nouvelles responsabilités, ont-ils des aptitudes qui en feront de futurs managers ? Voulons-nous recruter des candidats pour un seul poste ou se projeter sur une relation plus durable ? Les medias sociaux sont peut-être l’occasion d’inverser les rôles : aux managers le sourcing, et aux recruteurs la sélection.

PS : pour compléter ce billet, je vous invite aussi à lire celui de Sylvaine Pascual.

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